Souvent négligée par l’herméneutique et l’histoire littéraire traditionnelles, la question de la médiation a surtout été saisie par la sociologie de la littérature, et plus particulièrement par l’interactionnisme théorisé par Howard Becker en 1982 dans son ouvrage Art Worlds , qui envisage l’oeuvre artistique ou littéraire comme le résultat d’une action collective et collaborative. Au croisement de l’interactionnisme et des études de genre, ma communication s’intéresse à la médiation féminine (mais aussi masculine) à l’intérieur du régime du couple, dont les deux membres sont des écrivains. Le rapport de subordination effectif et symbolique qui marque les « femmes de… » ou « les femmes à l’ombre d’un grand homme » est perceptible dès l’acte de naissance des femmes à la publication en Russie, en 1759, et se poursuit tout au long du siècle, jusqu’au cas emblématique de Sofia Tolstaïa dont la (non) réception littéraire est aujourd’hui encore déterminée par un horizon d’attente indissociable de la postérité des oeuvres de Tolstoï. L’ouvrage récemment paru de Pavel Bassinski et Ékatérina Barbaniaga Sonia, va-t’en ! («Соня, уйди! Софья Толстая: взгляд мужчины и женщины. Роман-диалог») nous montre à quel point il est aujourd’hui encore difficile pour une autrice d’être considérée autrement que comme une médiatrice – et parfois dans le pire sens du terme – à l’intérieur du système de production de la valeur littéraire.