la prose de Kazimierz Brandys exhibe un questionnement constant à propos de ses structures narratives. On y découvre différents stratagèmes au niveau de l’organisation de la fiction littéraire : crypto-biographie, mélange de genres et de styles, décomposition des formes discursives, auto-création, auto-commentaire (relectures des oeuvres précédentes selon le principe de la distanciation), stylisation romantique, etc. Les signes de l’écriture s’opposent de manière pathétique aux notes de diariste scrutant inlassablement les réalités quotidiennes. La rhétorique de l’auteur de Lettres à Madame Z ne fait jamais abstraction de l’horizon d’attente des lecteurs du moment, ceux qui abordent le texte dans un lieu et un tempsbien définis. Le projet artistique des Carnets semble être mené à bien à travers un affrontement dialectique (volontairement articulé) entre la fiction romanesque et le journal de bord. C’est bien l’autobiographie qui établit une sorte de séparation programmée entre les deux moi (celui de l’énoncé, celui de l’énonciation), entre la personne écrivant et le personnage qu’elle décrit. De surcroît, il s’agit à tout moment de réactualiser la vision « réaliste » des choses perçues au fil des jours, sans toutefois renoncer à la conscience, au souci fondamental de la performance littéraire. Brandys s’efforce d’arracher le roman à sa fonction exclusivement narrative, génératrice de fables et de récits, pour l’investir parallèlement d’un autre devoir, celui de restaurer un contact privilégié avec le monde ambiant.