À la fin des années 1920 en Union soviétique, le film d’animationremplit une fonction d’agit-prop, à l’instar d’autres genres cinématographiques.Adhérant au mouvement soviétique pour le fait cinématographique, l’animationrefuse l’illusion du « magique » et ce que les animateurs nomment alorsle « ciné-truc ». Cependant, dans ses usages, le film d’animation, et ledispositif cinématographique tout entier, sont aussi utilisés pour leur pouvoird’émerveillement. La technologie, dont le cinéma est l’une des manifestations, estenvisagée comme un instrument privilégié de la modernisation et de la lutte contreles croyances du passé que le régime souhaite voir disparaître. Cette étude entenddémontrer que la dimension magique du cinéma rattrape les « soviétisateurs »,notamment en contexte sibérien où le cinéma est appelé à remplacer la séancechamanique, vue par les administrateurs comme un spectacle à concurrencer.Prenant comme cas d’étude la projection du film Le Petit Samoyède (1928) à unpublic autochtone, cet article replace le cinéma d’animation sur les peuples du Norddans son contexte de diffusion à l’aide de divers documents d’archives (presse,édition, documents de production), afin d’interroger la dimension modernisatricedu cinéma, à la fois dans ses représentations et son dispositif. In fine, il montreque la « magie » de la projection cinématographique est investie comme l’espaceenchanté de la soviétisation du pays.