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Avec ses inventions poïétiques et esthétiques, Youri Norstein s’inscrit dans la mouvance expérimentale du cinéma d’animation russe, qui s’est développée dans les années 1960, en rupture avec une tradition classique du dessin sur cellulo. Il développe dans ses films de nouvelles formes de narration, articulées aux expériences plastiques et aux scénarios poïétiques intégrés au chantier de fabrique, au milieu de culture de l’atelier. Les motifs narratifs d’invention sont issus des épreuves matériologiques, des opacités chromatiques et texturales, des scénographies fragmentées et des plans cinématographiques tendus entre la fluidité et la saccade,caractéristiques de son cinéma de recherche. Une nouvelle esthétique en émerge,qualifiée par le cinéaste d’esthétique « petit cliché ». L’expression a été formulée dans le cadre de l’atelier à propos de l’exposition du celluloïd au « plasma ambré »de la lumière. Elle convoque des métaphores liquides et textiles qui soulignent les caractères matériologique et « chiffonné » du celluloïd, qui valorisent le registre tactile de l’image et qui ouvrent aux développements météorologiques omniprésents dans ses films, nappes de brouillard, chutes de neige, volées de feuilles et rideaux de pluie, impliqués dans le processus narratif. Cette esthétique permet au cinéaste de rentrer dans « l’épaisseur des choses » et d’articuler, à partir de là,différents territoires fictionnels, d’imbriquer des échappées fantastiques dans la narration en train de se faire, et de renouveler finalement le travail d’invention de la fantasmagorie.