La littérature de la Biélorussie qui s’est développée dans l’espace de transition historiquement multiethnique et multiconfessionnel entre Slavia latina et Slavia orthodoxa, remet en question d’une manière particulière la validité du « grand récit ». En même temps, il semble que ce soit justement l’exemple de cette littérature « mineure », dont le développement s’est déroulé pendant des siècles et jusqu’à récemment dans les sphères de domination des littératures voisines « majeures » (russe et polonaise), qui rende manifeste les problèmes posés par une approche transnationale, notamment la perpétuation de mécanismes d’exclusion et d’absorption. Prenant ces considérations comme point de départ, cet article esquisse d’abord une approche alternative d’un « grand récit » fondée sur les paramètres d’espace culturel, de chronologie ouverte et de développement institutionnel. Dans le cadre de ce modèle sera examiné ensuite systématiquement, d’un point de vue institutionnel et prenant l’exemple des années 1920, le « potentiel transnational » de la littérature biélorusse. Il s’avère que le potentiel transnational résultant notamment du multilinguisme se superpose institutionnellement et idéologiquement au concept de « multinational » de la littérature prolétarienne : les différentes langues pré‑structurent différents « espaces des possibles ». La réalisation d’espaces transnationaux des possibles semble ouverte avant tout aux auteurs juifs, comme le montre l’étude de cas de Samuil Plaŭnik (Zmitrok Bjadulja).