Le présent travail contribue à la relecture de l’histoire de la littérature géorgienne en interrogeant le fonctionnement et les logiques des flux d’importation dans le domaine de la littérature en Géorgie dans la seconde moitié du xixe siècle à l’aide du concept des transferts culturels élaboré par Michel Espagne et Michel Werner et de la notion du champ littéraire développé par Pierre Bourdieu. Ces perspectives méthodologiques permettent de relativiser la vision canonique de la littérature géorgienne et d’éclairer le rôle joué par l’importation des œuvres européennes dans l’organisation et l’évolution du champ littéraire interne. En effet, l’analyse des discours critiques et des paratextes révèle combien les transferts littéraires ont permis à la littérature géorgienne de se renouveler et ont participé activement à la configuration du système d’accueil, en contribuant au renforcement des positions qui structuraient le champ intellectuel géorgien de l’époque. Celui-ci connaît l’avènement d’une nouvelle conception de la littérature véhiculée par l’intelligentsia réformiste qui relègue les pratiques traditionnelles à la périphérie du système, et se voit partagé entre la littérature en accord avec les normes esthétiques et idéologiques en vigueur et le « sous-champ ». Ainsi, élucider les motivations qui ont conduit à la sélection et aux interprétations des textes et des auteurs européens offre une meilleure image globale des différentes facettes de ce champ et des rapports de force qui le constituent.