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La transformation de la structure des États, le renoncement aux anciens fondements sociaux, politiques et culturels ont considérablement accéléré ou, dans certains cas, dévoilé des processus d’évolutions sous-jacents dans les langues de l’espace postcommuniste au tournant du XXIe siècle. C’est le lexique et la sémantique lexicale qui sont surtout concernés par ces modifications, mais on constate également des évolutions dans des domaines plus « protégés » : morphologie, syntaxe, phonétique, prosodie. Les chercheurs peuvent rarement observer une évolution aussi rapide se produire sous leurs yeux. Dans ce contexte, il est également intéressant d’analyser la perception par les locuteurs des variations et changements linguistiques ainsi que les efforts des États et des impositions étatiques pour modifier l’évolution naturelle d’une langue. Dans le présent volume, nous avons rassemblé des études de linguistes et d’anthropologues s’intéressant aux différentes langues des pays de l’espace postcommuniste : l’albanais, le bélarussien, le bulgare, les langues fenniques, le polonais, le russe, les langues sibériennes, le tchèque, le tchétchène, l’ukrainien. À travers ce numéro de Slovo, nous désirons offrir un terrain d’échanges pour les spécialistes de ces langues et cultures autour des variations et changements linguistiques. Ce volume est disponible en impression à la demande sur https://i6doc.com/en/book/?gcoi=28001100676950
L’ouverture sur le vaste monde ne vient pas immédiatement à l’esprit lorsqu’on pense à la Pologne. Est‑ce parce qu’en France on associe volontiers l’intérêt pour les Ailleurs lointains à l’expérience coloniale ? Les continents non européens seraient ainsi partie intégrante de l’Histoire et des imaginaires britanniques, français, belges ou portugais, mais resteraient étrangers aux pays d’Europe centrale. Pourtant la littérature du voyage lointain peut se prévaloir, en Pologne, d’une tradition riche et ancienne et d’un succès jamais démenti auprès des lecteurs. Les articles réunis dans ce volume portent sur des auteurs illustres et consacrés (Bronisław Malinowski), mais aussi sur nombre d’auteurs ultra‑contemporains, récemment – ou pas encore – traduits (Andrzej Stasiuk, Joanna Bator). Ces travaux abordent les textes – récits, journaux, reportages, essais – dans leurs spécificités historiques et idéologiques : regard porté sur l’étranger par un pays qui n’a pas eu d’empire colonial lointain, qui a lui même longtemps subi le joug de puissances étrangères et qui a connu quarante‑cinq ans de totalitarisme. Les transferts culturels et les différentes formes de médiation sont au cœur des interrogations, puisque les écrivains voyageurs sont des médiateurs par excellence.
Les treize auteurs réunis dans ce volume invitent leurs lecteurs à revisiter l°historiographie littéraire en Afghanistan et en Iran, en Biélorussie, Bulgarie, Géorgie, Roumanie, Russie, Serbie, Slovénie, Turquie (et Empire ottoman). Ce faisant, ils convoquent l'histoire globale, l'histoire croisée, la sociologie de la littérature, les études post-coloniales et de genre, les transferts culturels et la littérature mondiale. Les enjeux de cette approche sont pluriels car repenser le divers contre l'unique fait bouger toutes les lignes de l'histoire littéraire : c'est ce qui permet de mettre au jour les oubliés de l'histoire littéraire (les femmes écrivaines ou les œuvres rédigées dans des langues et alphabets qui ne se laissent pas enfermer dans un cadre national) et de faire apparaître les flux transnationaux et multilatéraux entre les aires culturelles, le dialogue entre les littératures qui fait naître de nouvelles formes et de nouveaux genres par la traduction ; c'est aussi ce qui amène à démythifier les « grandes figures tutélaires », les classiques, les icônes que le canon national muséifie, c'est-à-dire momifie ; c'est enfin ce qui montre clairement que, pour penser les « horloges littéraires du monde », le grand récit linéaire, positiviste et fondé sur l'unicité totalisante n'est définitivement plus le cadre approprié.
Le présent ouvrage comble une lacune de taille : si, en France, le cinéma en PVR russe et soviétique est relativement bien étudié, l'animation, elle, fait figure de parente pauvre, et il n'existe pas à l'heure actuelle d'ouvrage en français qui lui soit entièrement consacré. Et si ce numéro ne se veut pas exhaustif, son ambition est de donner un aperçu de la richesse de l'animation russe et soviétique, qui a continué et continue d'exister malgré les contraintes, qu'elles soient idéologiques ou financières. Car, rappelons-le, c'est précisément en Russie qu'a été inventé le procédé de l'animation image par image. Les approches utilisées dans cet ouvrage sont multiples – esthétique, historique, narrative, thématique, ethnologique. Cette hétérogénéité des approches nous a semblé pertinente pour l'étude d'un art qui, d'une part, se situe à la croisée de plusieurs arts et qui, d'autre part, s'est développé dans une conjoncture historique exceptionnelle, marquée par des révolutions et des changements sociopolitiques qui n'ont pas manqué d'influencer la culture. Nous avons donc fait appel à des contributeurs spécialisés dans l'étude ou l'histoire du cinéma en général, du cinéma d'animation, mais aussi à des littéraires et des historiens. De plus, tous ne sont pas des spécialistes de la Russie ou de l'aire soviétique, ce qui garantit une vision véritablement stéréoscopique.
Ce numéro se veut une polyphonie de voix diverses connues ou ignorées où résonneront celles des souverains eux-mêmes comme celles des simples individus prenant la parole et accédant ainsi à une notoriété fugace, à côté de celles plus attendues des écrivains et autres personnalités reconnues par l'histoire. Dans ce puzzle ethnoculturel situé sur la plaque tectonique de l’Europe et de l’Eurasie, la prise de parole autobiographique, à l’oral et plus encore à l’écrit, n’est pas un acte facile et ce, pour diverses raisons ayant trait au rapport entre l’individu, la société et précisément le pouvoir, les pouvoirs, qu’ils soient ancrés dans un territoire ou globalisés, qu’ils soient contemporains ou passés.