Archives et mémoires


Le rôle de la caricature et du cinéma dans la construction de la mémoire collective de l'émigration russe après la Révolution de 1917

Kateryna Lobodenko.
Cet article aborde le problème de la préservation de la mémoire des émigrés russes de la première vague installés en France pendant l’entre-deux-guerres. L’autrice s’intéresse au patrimoine visuel et audiovisuel des exilés, notamment à la caricature de presse et au cinéma, dont l’une des fonctions était de transmettre non seulement l’actualité, mais aussi le vécu des Russes sous toutes ses formes (divers émotions et sensations, sublimations des traumatismes, souvenirs du passé). L’autrice propose d’étudier quelques exemples de représentations visuelles de l’exil et des émigrés dans le cinéma et la caricature, sélectionnés parmi un corpus large de près de 1 000 dessins et 50 films conservés aujourd’hui dans des fonds de bibliothèques et d’archives audiovisuelles en France.

Les archives du communisme en république de Moldavie : entre idéologie et mémoire politique

Ecaterina Ojoga.
Comme dans beaucoup de pays ex-soviétiques, écrire l’histoire est encore une source de conflit politique sur fond mémoriel, y compris en Moldavie. Ce contexte difficile suppose le recours aux sources comme facteur d’impartialité. Toutefois, le tableau se ternit si le document participe également aux divergences d’opinions qui confondent le présent et le passé. L’histoire du communisme est marquée par la volonté du Parti de contrôler la diffusion de l’information sur le long terme. Ainsi, la Moldavie hérite des archives bessarabiennes, foyer du particularisme du communisme roumain et soviétique dans l’entre-deux-guerres. Comme il est de coutume dans les pays ayant eu un passé communiste, la période suivant 1989-1991 est représentative d’un changement lent et complexe. Ainsi, les Archives du Parti de la RSSM deviennent les Archives des organisations sociopolitiques de la république de Moldavie (AOSPRM), à l’image presque identique des archives russes RGASPI. Pour les historiens qui travaillent sur le communisme roumain ou sur le communisme transnational, il est compliqué de travailler sur ce type de document pour de multiples raisons : l’accès aux archives reste compliqué (bien que situés en centre-ville de la capitale, les locaux gardent plusieurs marques de l’héritage soviétique, ce qui complique la consultation, particulièrement pour les visiteurs étrangers) et les fonds sont difficiles d’accès du fait de la formulation […]

« Qui s'en souvient ? »: Poétique de l’archive et pratiques nostalgiques sur les communautés en ligne d’ex-citoyens soviétiques

Bénédicte Stoufflet.
Sur les réseaux VKontakte et Odnoklasniki, des communautés intitulées « Nés en URSS » proposent aux internautes de se plonger dans ce pays disparu, grâce à la publication d’archives photographiques représentant le quotidien soviétique. Les archives exposées sont autant d’allusions susceptibles d’éveiller chez le spectateur le souvenir du passé vécu et d’enclencher un travail de reconstruction du passé, exercé collectivement entre membres du groupe. Il s’agit d’une activité ludique de remémoration : le visiteur tombe sur des objets et il est invité à les reconnaître par les interpellations comme « qui s’en souvient ? ». Grâce à l’accumulation des archives, les communautés offrent également une synthèse de la culture soviétique. Les archives jouent ainsi le rôle de déclencheurs de la mémoire et d’échantillons représentatifs du monde d’hier. Cet article propose de porter un regard anthropologique sur la notion d’archives, en s’intéressant à la manière dont les individus en font usage pour stimuler leurs souvenirs et entretenir un sentiment d’appartenance à une communauté.