La Russie en ses marges


Souvenirs d’enfance (Moscou, années 50)

Vera Fluhr.
ce récit évoque les événements historiques majeurs de l’URSS dans les années 1950 (décès et obsèques de Staline, dénonciation et arrestation deBéria) au travers d’épisodes de la vie d’une petite Moscovite. Il raconte le quotidien d’une famille et la vie d’un quartier vu par les yeux d’une enfant, ce qui rend l’atmosphère de l’époque beaucoup plus présente et nous plonge vraiment au coeur de la vie soviétique sous ce régime totalitaire.

Le moi et le pouvoir dans la littérature russe de l’époque médiévale

Galina Subbotina.
La notion de « culte du moi » étant moderne, il semble quasi impensable de relever des indices de réflexivité dans la littérature russe médiévale. Pourtant, nous y percevons un effort d’introspection dans de nombreux textes, tels L’Instruction de Vladimir Monomaque (Poučenie Vladimira Monomaxa), la Supplique de Daniil le Reclus (Molenie Daniila Zatočnika), la correspondance entre Ivan le Terrible et Andrej Kurbskij, l’Hagiographie de l’archiprêtre Avvakum écrite par lui‑même (Žitie protopopa Avvakuma, im samim napisannoe). Ainsi, nous nous attacherons à montrer comment, dans le cadre des relations avec le pouvoir – étatique ou religieux –, les formes et les enjeux de l’auto-présentation et de l’auto-analyse se profilent à cette époque initiale du développement de la littérature russe.

Autobiographie d’un autochtone de la taïga de Sibérie occidentale : Iouri Vella et la projection dans l’avenir

Eva Toulouze.
Iouri Vella (1948-2013) était un éleveur de rennes, poète et militant nenets des forêts en Sibérie occidentale. À plusieurs reprises, il lui est arrivé de parler de lui, voire d’écrire, à des moments clés de son existence, son autobiographie.Dans cette étude, j’entends analyser l’ensemble de ces textes : autobiographies, mais aussi les éléments autobiographiques émergeant dans ses oeuvres littéraires, sachant que plus on avance dans le temps, plus ceux-ci deviennent dominants.J’interprète ces textes pour faire ressortir le message que Iouri Vella entend ainsi faire passer.

Cyberia : les monades informatiques du « je » autobiographique

Julien Paret.
Cet article porte sur les nouveaux modes d’expression du projet autobiographique en relation avec les technologies de l’information et de la communication (TIC). Nous proposons ici aux lecteurs de découvrir la Russie postmoderne à travers les yeux d’une galerie de personnages pittoresques et truculents qui, à l’instar des simulacres des romans de science-fiction cyberpunk, hantent le Runet – l’Internet en langue russe – en construisant, déconstruisant et reconstruisant leurs identités en temps réel dans le monde virtuel au gré de leurs pérégrinations politiques et philosophiques. Pour ce faire, nous avons examiné les profils, les commentaires, les photographies, les discussions, les liens, etc. publiés sur la toile par différents acteurs du cyberespace russophone : des blogueurs anonymes ou professionnels, un punk, un milicien du Donbass, ou encore un agent d’influence au service du régime de Vladimir Poutine.

L’individu à l’épreuve des pouvoirs communautaires dans l’épopée lyrique d’Isaac Babel Cavalerie rouge

Catherine Géry.
Cavalerie rouge est un texte instable et ambigu, une reconstruction onirique et mystificatrice où le réel vécu par l’auteur-narrateur passe par toute une série de prismes déformants, faisant subir au lecteur une expérience de la désorientation analogue à celle éprouvée par Isaac Babel lors de la campagne de Pologne en 1920. Aussi, l’expérience de la guerre est rendue comme une expérience de l’altérité. Lioutov, le narrateur de Cavalerie rouge et alter ego de Babel est l’étranger absolu : Juif chez les Cosaques, intellectuel chez les combattants, bolchevique chez les Hassidim, il contemple le monde d’un regard extérieur avec une distance qui empêche toute identification mais aussi tout assujettissement identitaire. Le regard de l’étranger est propre à renouveler profondément la perception, ce qui est, selon Viktor Chklovski, l’un des principes majeurs de l’étrangéisation comme dispositif narratif visant à gêner les processus de reconnaissance ou d’appartenance, pour atteindre la singularisation. Cette singularité irréductible, c’est celle du sujet qui se pense lui‑même comme un autre et qui, de ce fait, résiste à toutes lesdéterminations sociales et à toutes les formes normatives de pouvoir et de savoir.