Ce volume passe en revue les différentes fonctions de médiation occupées par des femmes, entre sphère publique et privée, dans la Russie du XIXe siècle. Il illustre la façon dont ces dernières étaient perçues par leurs pairs et dont elles se construisaient un rôle, en conformité ou non avec les attentes liées à leur genre. Cet ouvrage propose un regard non androcentré sur l’histoire littéraire russe. Ce faisant, il rend hommage à ces femmes, souvent oubliées, qui ont grandement contribué à « l’âge d’or » de la littérature russe.
Le volume que nous proposons ici à l'attention des universitaires et plus généralement de toutes celles et ceux qui s'intéressent à la culture russe est à la fois une collection d'études consacrées aux médiatrices — traductrices, hôtesses de salon, éditrices, rédactrices en chef, membres des comités de rédaction, critiques, journalistes, correctrices, auxquelles on peut ajouter les préceptrices ou les enseignantes — et un hommage collectif à ces « petites mains » toujours négligées, parfois anonymes, qui ont pourtant participé pleinement à la construction de la littérature classique russe du XIXe siècle et de sa future historiographie.
Dans la première partie de l’article, l’autrice rectifie la compréhension traditionnelle du terme « médiateur » appliqué à la sphère littéraire et au processus littéraire, et, sur la base d’une nouvelle définition, distingue plusieurs niveaux de médiation dans le domaine littéraire. Elle propose un paradigme complet des rôles médiateurs des femmes : éditrices, rédactrices en chef, traductrices, critiques littéraires, mécènes, hôtesses de salons artistiques, littéraires et socio-littéraires, mères, épouses, veuves et autres parentes d’écrivains, maîtresses, élèves et muses,mémorialistes, autrices de journaux intimes, prototypes d’héroïnes littéraires. Dans cette partie, on démontre le dynamisme de ces rôles et justifie le choix de deux types de sources (les ego-textes et les éditions bibliographiques de référence) pour analyser leur genèse et leur évolution dans l’histoire littéraire. La deuxième partie est consacrée à la description et à l’analyse sémantico-statistique de huit ego-textes(quatre masculins et quatre féminins) permettant de mettre en évidence un certain nombre d’éléments constants dans la formation du paradigme de la femme médiatrice dans la littérature russe du XIXe siècle. La troisième partie présente une analyse herméneutique et sémiotique détaillée de deux ego-textes de femmes (Avdotia Panaïéva et Éléna Stackenschneider) qui illustrent les mécanismes de formation et de […]
Souvent négligée par l’herméneutique et l’histoire littéraire traditionnelles, la question de la médiation a surtout été saisie par la sociologie de la littérature, et plus particulièrement par l’interactionnisme théorisé par Howard Becker en 1982 dans son ouvrage Art Worlds , qui envisage l’oeuvre artistique ou littéraire comme le résultat d’une action collective et collaborative. Au croisement de l’interactionnisme et des études de genre, ma communication s’intéresse à la médiation féminine (mais aussi masculine) à l’intérieur du régime du couple, dont les deux membres sont des écrivains. Le rapport de subordination effectif et symbolique qui marque les « femmes de… » ou « les femmes à l’ombre d’un grand homme » est perceptible dès l’acte de naissance des femmes à la publication en Russie, en 1759, et se poursuit tout au long du siècle, jusqu’au cas emblématique de Sofia Tolstaïa dont la (non) réception littéraire est aujourd’hui encore déterminée par un horizon d’attente indissociable de la postérité des oeuvres de Tolstoï. L’ouvrage récemment paru de Pavel Bassinski et Ékatérina Barbaniaga Sonia, va-t’en ! («Соня, уйди! Софья Толстая: взгляд мужчины и женщины. Роман-диалог») nous montre à quel point il est aujourd’hui encore difficile pour une autrice d’être considérée autrement que comme une médiatrice – et parfois dans le pire sens […]
La participation des femmes au développement de la presse périodique écrite dans la Russie du XIXe siècle n’est pas ignorée des chercheurs. Au tournant du XXIe siècle, de nombreux travaux consacrés à ce sujet ont vu le jour. Cependant, seule une infime minorité d’entre eux est spécifiquement dédiée aux éditrices et rédactrices en chef. La visée de mon étude est de constituer une liste, lа plus exhaustive possible à ce jour, des noms des éditrices et rédactrices en chef, d’examiner la dynamique de l’évolution du nombre de postes qu’elles occupèrent, et d’analyser l’aspect diachronique de la répartition géographique de ces périodiques. La question de la typologie des périodiques est soulevée, et une première estimation chiffrée de l’influence des éditrices et rédactrices en chef de la presse périodique sur le processus littéraire dans la Russie du XIXe siècle est entreprise.
L’article explore la perception que les femmes journalistes russes de la seconde moitié du XIXe siècle avaient de leur statut professionnel. Ses principales sources sont des ego-documents émanant d’employées de périodiques qui s’identifiaient elles-mêmes comme journalistes et dont les activités professionnelles relevaient de la période étudiée. Dans les textes mémoriels analysés, la nécessité de travailler dans la presse est fréquemment justifiée par des besoins matériels ainsi que par la quête de soi. La majorité des femmes journalistes considéraient leur travail comme une forme de service rendu à la société et étaient prêtes à faire des sacrifices au nom de cette « Cause ». Elles soulignaient le respect et l’estime de leur travail par leurs collègues, ridiculisaient et dénonçaient les cas de discrimination de genre. Dans ces ego-documents, l’accès limité des femmes à l’enseignement supérieur est présenté comme un problème important.
Il est généralement admis que le genre du roman épistolaire n’existe pas dans la littérature romantique et préromantique russe. Comme l’exception qui confirme la règle, on évoque parfois le roman Les Lettres d’Ernest et de Doravra (1766) de Fiodor Emine, un émigré d’origine incertaine arrivé en Russie en 1761. Le roman de Natalia Golovkina Elisabeth de S***, ou L’Histoire d’une Russe publiée par une de ses compatriotes , qui paraît dans sa version originale française à Paris en 1802 et en russe à Moscou en 1803-1804, est cité encore plus rarement et toujours en tant qu’exemple d’œuvres faibles ou insignifiantes. Dans le contexte de la réévaluation récente de la place des femmes dans l’histoire littéraire russe, cette critique semble peu justifiée. Parmi les œuvres russes de la première décennie du XIXe siècle, le roman de Golovkina se distingue par son caractère novateur. Tout d’abord, Elisabeth de S*** est un exemple original de médiation culturelle franco-russe : l’écrivaine crée un roman consacré à la vie russe d’après les modèles littéraires français (et européens) et elle le publie dans deux pays différents. L’œuvre de Golovkina se caractérise, ensuite, par l’intérêt pour la psychologie des personnages et pour les sentiments amoureux. Enfin, c’est un roman d’envergure (quelque 600 pages) remarquable pour son intrigue complexe ainsi que pour un personnel romanesque important. En rendant hommage à […]
Les cousines Bournachev se sont illustrées dans plusieurs types d’activités accessibles aux représentantes féminines des classes sociales éduquées du milieu du XIXe siècle. Sofia (1820-1883) a publié la revue L’Heure du loisir et des livres pour enfants, Ékatérina (1819-1875) était éducatrice et traductrice, Maria (1817-1861) a enseigné et traduit. Pour elles, la personnalité féminine idéale était Élisavéta Kulmann (1808-1825), traductrice et poétesse de talent morte prématurément. Le culte de cette jeune fille de génie a été soutenu par son professeur, Karl Grossheinrich, auteur d’une biographie de Kulmann, traduite par les Bournachev de l’allemand en russe. L’image de la jeune poétesse appartient à la culture du romantisme, tandis que les cousines menaient leurs activités à l’époque des grandes réformes dans le domaine de l’éducation des femmes. La biographie de Kulmann en tant que personnalité créatrice n’empiétant pas sur les fondements du patriarcat et du canon de genre a été utilisée par les cousines Bournachev pour défendre leur position conservatrice sur la question des femmes.
Cet article est consacré à Élizavéta Akhmatova (1820-1904), traductrice, éditrice et écrivaine, « première pionnière », comme elle le disait elle-même, du travail littéraire féminin. L’objectif de cette recherche est triple : décrire l’entrée d’Akhmatova dans le métier (traduction, édition, écriture), présenter les résultats de sa démarche (revues périodiques publiées), ainsi qu’examiner la réception réservée à son travail par ses contemporains (O. Senkovski, N. Leskov, A. Droujinine,M. Sémevski, A. Skabitchevski). Ceci nous permettra de proposer une première réflexion sur le rôle, la place et la réputation littéraire de cette « première pionnière » dans le monde culturel et éditorial.
Cet article présente Anna Engelhardt, une femme quasi-inconnue en France et peu étudiée en Russie, malgré le rôle important qu’elle joua dans la vie sociale et culturelle de son pays au XIXe siècle. Elle fut à la fois rédactrice en chef, traductrice, éditrice, critique littéraire et plus encore… Née en 1838 à Saint-Pétersbourg, elle apprit très tôt plusieurs langues étrangères, parmi lesquelles le français et l’anglais. C’est elle qui familiarisa le lecteur russe avec les œuvres d’Émile Zola, de Guy de Maupassant, de François Rabelais, de George Elliot et de Louisa May Alcott. Elle fit les premières traductions de quelques oeuvres de Jean-Jacques Rousseau, de Victor Hugo, de Gustave Flaubert et d’Heinrich Heine. Elle est, en outre, l’autrice (ou co-autrice principale) d’un imposant dictionnaire allemand-russe en deux volumes, paru en 1877. L’article se concentre notamment sur ses liens étroits avec Zola et son interprétation de Rabelais, auquel elle attribuait une place particulière. Il s’appuie sur des documents conservés aux Archives centrales d’État de la littérature et de l’art de Saint-Pétersbourg et au département des manuscrits de l’Institut de littérature russe.
Cette liste recense les éditrices et rédactrices en chef de la presse périodique russophone dans l'Empire russe de 1763 à 1890. Chaque notice comporte dans sa première partie des données biographiques suivies d'une brève énumération des activités liées à la production et la médiation littéraires. La deuxième partie des notices est dédiée aux activités d'éditrice et de rédactrice en chef : y sont précisés la période pendant laquelle ces activités ont été pratiquées, les titres des périodiques concernés, la fréquence et le lieu de leur parution.